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Waterlitz à Brest : le spectacle

vendredi 31 août 2012 , par Jacques Nicolas , Jean-Marie Grall , Jessica Roumeur

Le géant d’acier témoin de l’humanité

22h30, alors que la musique bat encore son plein sur les quais, les rampes son prises d’assaut jusqu’au cours Dajot et le Parc à Chaînes se remplit de têtes déjà en l’air, les yeux rivés sur le géant d’acier. 22h45, le totem s’éclaire puis s’éteint. Sa tête, au 19ème mètre, pivote à 360° et de son œil-projecteur, il veille comme un phare dans la nuit. 23h03 : Noir sur le port. Spécialement pour cette représentation brestoise, au biniou et à la bombarde, deux sonneurs lancent les premières notes du spectacle avant de laisser place aux rockeurs.

Waterlitz nous invite dans un voyage au cœur de l’histoire de l’humanité. Au-dessus de nos têtes, nous assistons à un défilé d’objets volants plus qu’identifiés, poétisés : squelette de ptérodactyle, reproduction du premier avion, Mini Cooper première version, Titanic aux cheminées fumantes, etc. Autant de symboles de notre évolution, de la course de l’Histoire, de ses découvertes, de ses catastrophes… Sur le grand corps d’angles et de ferraille, les images déferlent et de minuscules êtres de chairs, animés de leurs volontés, désirs, colères, dansent et gesticulent, complétant les symboles. Mais à l’échelle de l’Omni Idéal X, puis à l’échelle de l’Histoire, nos démesures reprennent leurs tailles. Minuscules humains, minuscules destins. Minuscules folies qui font les grandes dérives… Celle, anecdotique, de l’ours blanc en perdition sur son morceau de banquise. Il est bien loin le règne végétal… Plus proche de nous : le règne du capital, le règne du carton, du nucléaire et de la bourse. Les chiffres clignotent dans le rouge et les codes barres façon première Nintendo agressent nos yeux et renferment les êtres dans leurs cages. Rien n’est constant, toujours tout en mouvement. Les musiciens n’ont pas le temps de s’installer dans leurs confortables accords. Comme si le disque était rayé ou superposait les morceaux, il y a comme des vides et des crevasses dans les partitions… Pas d’extase, jamais. Pas le temps de s’épancher. La chanteuse explore tous les reliefs de son instrument, balance son texte comme l’on sauterait à l’élastique : pas pour faire joli, pas pour le plaisir, mais dans un élan suivi de rebonds, laissant la force exploser avant de s’étioler, la voix éclater avant de s’épuiser…

C’est une poétique du monstrueux qui crache de l’or dans les cieux, pendant que d’autres, derrières leurs barreaux, mettent de la marchandise en cartons, et que certains, prêts à en payer de leur vie, tentent de franchir les frontières… Les blocs de fer, d’acier et de béton nous cachent les couleurs d’une nature qui se détraque. Nous passons notre temps à courir, à acheter, à nous endetter, à frémir devant le temps qui nous manque… Les gros sous des uns se font sur les petits deniers des autres et les vies sacrifiées sont absolument partout. Mais, malgré l’urgence, lorsque Big Ben affiche 16h, il est temps de faire une pause ; c’est le « tea time » ! De-ci de-là, parmi la foule, des serveurs de thé agitent leur clochette et proposent au public de se réchauffer un peu… Restons humains ! Affirmer son humanité : voici certainement la clé des grands mouvements révolutionnaires qui ont fleuri de par le monde et habité les places sur de nombreux continents. Voici peut-être ce que Générik Vapeur tend à nous remettre en mémoire…

0h10 : Après un feu d’artifice transfigurant le géant de fer et un dernier passage du ptérodactyle, c’est le noir à nouveau. Les applaudissements sont généreux du Parc à Chaînes au Cours Dajot. Les spectateurs, l’air bluffé, semblent vouloir prolonger l’instant… Voilà qui clôt en beauté et en questionnements la 24ème édition des Jeudis du Port.

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